La littérature classique

Avec son histoire millénaire, rien d'étonnant que la Chine ait vu passer tous les styles littéraires. A chaque dynastie, un genre a eu son heure de gloire sans pour autant laisser les autres styles de côté. Ainsi, contes mythologiques, essais philosophiques, proses poétiques, poésies, poésies à chanter, opéras et romans classiques se succèdent au fil des siècles et des dynasties pour arriver finalement à la littérature contemporaine au début du XXème siècle.

De manière générale, ces œuvres sont écrites dans une langue classique qui se démarquera plus tard du langage moderne.   
Les écrits sont souvent assez courts car les premières formes datent d'avant l'utilisation du papier et il était fastidieux de graver sur les tablettes de pierre de longs poèmes. C'est bien souvent une suite de quatre ou cinq caractères par vers pour quatre ou cinq vers dans un poème.

Livre des odes, premiers poèmes des Zhou

C'est au début des Zhou occidentaux et jusqu'au milieu des célèbres Printemps et Automnes que le tout premier recueil de poèmes fit son apparition, le Livre des odes (ou Shijing en chinois). A cette époque, les poètes de la cour devaient produire une telle quantité d'œuvres pour l'empereur qu'ils allèrent recueillir de nombreux poèmes au sein du peuple. Finalement classés par les fonctionnaires de la cour, ils donnèrent lieu au tout premier recueil qui renferme 305 poèmes s'étendant sur 500 ans d'histoire.
Au départ, le livre était intitulé Poèmes puis Trois cents poèmes et prit le nom de Livre des odes seulement sous la dynastie Han, bien après que Confucius les prennent comme base de son enseignement.
Cette œuvre est à l'origine de la poésie chinoise. Aucun thème n'est préféré, aucun style également puisque les poèmes sont parfois d'origine populaire parfois d'un artiste renommé. Ce sont parfois de petites et grandes odes (respectivement 74 et 31), d'autres fois des chants populaires (au nombre de 160) repris lors de fêtes ou des hymnes de la cour (40 œuvres).

Prose et Elégies des Chu

L'ensemble des poèmes que regroupent les Elégies des Chu, également appelées Chants des Chu, est inspiré de la culture locale du royaume des Chu, sous la période des Royaumes Combattants. Ces œuvres marquent le début de la poésie personnelle, le tout influencé par les ballades, les musiques, la littérature folklorique et le chamanisme de ce royaume.
Ainsi, les poèmes en prose abordent des sujets politiques, des histoires chamaniques, des croyances taoïstes,...

Mais, ce qui a marqué le royaume des Chu et ses poèmes, c'est l'artiste Qu Yuan. Il est en effet souvent considéré comme le fondateur de la littérature classique chinoise.
Plus que la beauté et le sens profond de ses vers, son histoire est encore célébrée aujourd'hui. Incompris de son roi, bannis et isolé du reste du monde, il trouva la mort en se jetant dans le fleuve Miluojiang. En sa mémoire, les Chinois commémorent sa mort le même jour que la fête du Double-Cinq (ou fête des bateaux-dragons), jour de sa mort, en mangeant des zongzi et organisant des courses de bateaux-dragons.

Auteurs célèbres : Qu Yuan, Song Yu, Tang Le
Exemples : Elégie de la séparation, Interrogation du Ciel, Neuf chants d'éloge, Rappel de l'âme, Randonnée lointaine, Rappel d'un ermite,…

Poésie à chanter des Han

Au tout départ, des fonctionnaires de la dynastie Han, dynastie marquant le début de notre ère, étaient chargés de recueillir les ballades et poèmes en prose rimée qui circulaient à la cour et dans le peuple. Souvent inspirés des récits des Chu, ils utilisaient un vocabulaire très riche.
Plus tard, les fonctionnaires mirent les poèmes collectés en musique et donnèrent naissance à un nouveau style littéraire : les poèmes à chanter, appelés Yuefu en chinois. Ces fonctionnaires étaient en fait chargés de trouver des hymnes pour les sacrifices et de la musique de cour mais aussi d'examiner l'opinion du peuple à partir de leurs chants populaires.
Ce sont les ballades les plus célèbres et souvent au style le plus simple qui furent reprises et elles avaient bien souvent pour thème la passion du petit peuple. La romance avait sa place au milieu des conditions de travail et de la souffrance en temps de guerre. Ces poèmes mis en musique étaient donc très réalistes de la société de l'époque.

Un livre tout à fait différent a également marqué cette période, les Mémoires historiques. C'est le premier ouvrage reprenant l'histoire de toutes les anciennes dynasties dans leur ensemble. Abordant non seulement la chronologie, chaque dynastie y est présentée avec ses styles musicaux, ses rites, ses familles régnantes et même les personnages ayant marqué la période ! Ce livre servit ensuite de modèles à toutes les dynasties postérieures qui firent de même.

Auteurs célèbres : Jia Yi, Sima Qian, Dong Zhongshu, Sima Xiangru,…
Exemples : Au sud du Yangzi, Amants fidèles à leur serment, Mûriers sur les diguettes, Le paon vole vers le sud-est, Mémoires historiques,

Poésie des Tang

La dynastie des Tang marque l'âge d'or de la littérature classique chinoise et notamment de la poésie qui atteint son apogée à cette époque. Ce sont plusieurs milliers de chefs d'œuvres qui sont écrits sur une période de 300 ans. 48 900 de ces poèmes furent collectées dans le Recueil intégral des poètes des Tang en 1705 mais toutes les œuvres et poètes n'y sont pas représentés.

Au premier siècle de la dynastie Tang, la poésie n'en était encore qu'à ses débuts. Cherchant à se libérer des règles, les artistes donnèrent libre cours à leurs envies. Cette liberté dans l'écriture fut ensuite gardée puisque l'on trouve des poèmes en quatrains, en huitains et sous bien d'autres formes.

C'est sous l'impératrice Wu et l'empereur Xuanzong, protecteur des lettres et des arts, que la poésie fut la mieux mise en valeur. Correspondant à l'époque du Moyen-âge en Europe, la poésie arriva alors à son summum. Retraçant les secrets de la culture la plus développée de l'époque, on découvre à travers ces œuvres les rites et conditions de vie sous cette grande dynastie. Ces poèmes montrent soit que l'homme est en harmonie avec la nature, soit l'organisation de la société et de l'univers. Les artistes étaient donc à la fois hommes d'esprit et de cœur.

Deux grands poètes ont marqué l'histoire de la poésie classique et sont considérés comme les plus grands poètes de Chine, Li Bai et Du Fu. Et pourtant, chacun avait un style bien différent. De nombreux poèmes très célèbres furent traduits pour être partagés avec le reste du monde.
Li Bai, surnommé « poète immortel », va bien plus loin que les exigences de la cour dans ses œuvres, il y met du cœur et exprime souvent ses propres expériences ou sentiments : ambitions déçues, goût pour l'aventure et des voyages, amour de la nature, croyance taoïste,… le tout dans une  langue simple accessible à tout le monde.
Du Fu, qui est quant à lui surnommé « le sage de la poésie », est un confucéen avéré qui mêle évènements politiques, vie du peuple et sentiments personnels dans ses poèmes. Ayant vécu en temps de guerre dans des conditions difficiles, il reprend ces thèmes très communs pour le peuple dans ses œuvres. C'est sans doute ce qui l'a rendu si sympathique auprès des Chinois. D'une manière réaliste, il raconte en poésie la souffrance du peuple, les horreurs de la guerre et la séparation des familles, la chute de l'empire et les conditions de vie affligeantes du peuple. Il aborde également un sujet que peu de poètes choisissent de traité : la vieillesse et la fuite inévitable du temps.

Auteurs célèbres : Li Bai, Du Fu, Wang Zhihuan, Wang Wei, Bai Juyi, Li Shangyin, Du Mu,…
Exemples : Pensée nocturne, Promenade printanière, Marche des chars de combat, Trois humbles fonctionnaires, Trois départs, Quatrain en vers de sept pieds, Pluie bienfaisante dans une nuit de printemps, Du haut du pavillon des cigognes, Invitation à boire, Les chemins pénibles du pays des Shu, Contemplation de la cascade du mont Lushan,…

Poèmes en vers inégaux des Song

Quelques dynasties après les Tang, les Song reprennent le flambeau et la littérature chinoise atteint son deuxième âge d'or. Une très grande différence est à noter entre les styles de ces deux dynasties. Les artistes des Tang ont en effet tendance à mêler objectivité et subjectivité, réalisme et émotion, alors que ceux des Song se concentrent principalement sur le réalisme de la scène qu'ils décrivent ; ils restent très objectifs et analysent plus qu'ils n'imaginent.

Le style poétique de l'époque est influencé par les ci, c'est-à-dire les vers inégaux. Ainsi, chaque vers pouvait avoir un nombre de caractères différents, cela n'avait pas grande importance. Les poèmes devaient être composés sur une mélodie déjà existante qui donnait un certain ordre, cela lui a donc également valu le nom de poésie de chant.
Très riches et aux thèmes variés, certains poèmes furent repris dans Trois cents ci des Song qui est un classique pour les familles chinoises.

Mais les Song n'exclurent pas les autres styles littéraires, et les contes furent très appréciés. Les artistes se spécialisaient dans un genre spécifique, tel que les histoires des anciennes dynasties ou les récits bouddhiques.

Parmi les grands artistes de l'époque, une femme se mêle à la foule masculine, Li Qingzhao, et adoucit les poèmes par sa délicatesse et se fraîcheur. Su Dongpo, personnage éminent des Song du sud, écrivit plus de 2 500 poèmes réguliers pour 350 poèmes en vers inégaux.

Auteurs célèbres : Su Dongpo, Huang Tingjian, Li Qingzhao, Xi Qiji, Lu You,…
Exemples : Fu de la Falaise rouge, Lent sur chaque parole, Un rêve, Le lac de l'Ouest, La fête de la mi-automne,...

Opéra théâtral  des Yuan

La dynastie suivante ajoute une touche musicale supplémentaire à la poésie des Song pour créer le zaju, un genre d'opéra théâtral dramatique. Dynastie mongole, les fonctionnaires laisseront de côté les arts écrits pour valoriser les formes orales telles que les contes, les chansons et le théâtre.

Au théâtre, les textes allient langue orale et langue classique, et musique et danse viennent séduire le public. Les pièces, bien qu'ayant au départ pour but de divertir, vont peu à peu s'orienter vers le drame et les grandes épopées amoureuses. Ce sont plus de 700 drames que l'on recense auprès de 200 dramaturges.

Les acteurs marient des chansons aux paroles tout en interprétant leur rôle avec beaucoup d'émotion. Que ce soit pour dénoncer une injustice sociale ou les rites féodaux, les pièces ont toujours pour thèmes des sujets sensibles pour le peuple.

Auteurs célèbres : Guan Hanqing, Wang Shifu, Ma Zhiyuan, Bai Pu, Zheng Guangzu, Ji Junxiang,…
Exemples : Dou E victime de l'injustice, Le pavillon de l'ouest, L'orphelin de la famille Zhao (adapté en Occident sous le nom d'Orphelin de Chine), L'automne au palais des Han,…

Romans des Ming et des Qing

Les récits historiques et contes prennent leur première forme sous les Song mais resteront longtemps dans l'ombre. Ils seront mis au goût du jour sous les dynasties Ming et Qing. Au départ ce seront des historiettes assez courtes mais vite ces contes seront appréciés du public et prendront de la longueur.

Ainsi, le style qui définit vraiment les deux dernières dynasties de l'Empire du Milieu est en fait le roman-fleuve. Beaucoup plus long qu'à ses débuts, c'est plus d'un million de caractères qui le composent et il se divise en plusieurs dizaines de chapitre !
De manière générale, il s'apparente au roman historique, fantastique ou bien de cape et d'épée. Ecrit dans un mélange de langue classique et de langue populaire, certains auteurs utilisent même la prose narrative ou la poésie pour rédiger leurs œuvres.
Les styles étant différents de la littérature classique, les artistes n'étaient pas reconnus au même titre que les poètes et intellectuels de l'époque.

Parmi les grandes œuvres de l'époque, on notera les quatre livres extraordinaires considérées comme les œuvres de fiction les plus influentes de l'époque et de la Chine pré-moderne. Ces chefs d'œuvres sont encore d'actualité puisqu'ils ont été adaptés en feuilleton télévisé et parfois même en film en Chine mais aussi dans le reste du monde. Ces quatre œuvres sont Au bord de l'eau de Shi Nai'an, Les Trois Royaumes de Luo Guanzhong, Le voyage en Occident de Wu Cheng'en et Rêve dans le pavillon rouge de Cao Xueqin (ce dernier livre est considéré par Mao comme une fierté de la Chine et est classé aux œuvres représentatives de l'UNESCO). Une cinquième place est dévolu à Jin Ping Mei mais le roman fut interdit pendant de nombreuses années pour ses histoires érotiques et n'est à nouveau disponible que depuis 2006.

Auteurs célèbres : Cao Xueqin, Luo Guanzhong, Wu Cheng'en, Shi Nai'an,…
Exemples : Rêve dans le pavillon rouge, Les Trois Royaumes, Au bord de l'eau, Le voyage en Occident, Contes fantastiques du pavillon des loisirs,…

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